El Guatemala

C'est une histoire d'entraide et de partage avec le peuple
Guatémaltèque. Une histoire à dire et à redire, sans compter.
















Casira por favor

La trentaine de jours passée au Guatemala est déjà lointaine. La
vie commune, avec la cinquantaine de coopérantes et coopérants
de Casira, nous aura permis de prendre la mesure de chacun
certes, mais également celle qui nous est propre. L'aventure est
extraordinaire et difficile à résumer en quelques phrases. Elle
constitue, en quelque sorte, une contribution de plus au grand
oeuvre des initiateurs de Casira. Un projet audacieux mené
depuis plusieurs années par le Padre Fortin et de nombreux
continuateurs en Amérique Centrale. Je veux en profiter
aujourd'hui pour remercier tous ceux et celles que j'ai côtoyés
amicalement, et saluer tout particulièrement le travail des
principaux responsables, Pierre, Lise, Maïra, Carlos, Nicole
et Isabella. Hasta luego !!




À l'arrivée, le départ

Le mercredi, 2 janvier 2008. Onze heures et demie du soir à
Ciudad Guatemala. De grands vents du sud-ouest soufflent sur
le tarmac de l'aéroport La Aurora. Il fait froid, humide, même
si l'hiver est maintenant à des milliers de kilomètres. Entassés
dans la Nissan, on traverse la capitale sous un ciel de diamants.
Les grands boulevards sont déserts. Les façades des immeubles
semblent sorties d'un nuage de ténèbres. Premières vues de la
ville inconnue, sans repères, sans dessus-dessous. Dans les
premiers instants, il s'agit d'une ville pour aveugles. Puis les
portes métalliques de la Casa laissent passer une première
étincelle de lumière, une première chaleur. On abandonne les
valises sur le parquet et on laisse nos corps fatigués entamer
une première nuit au dortoir, sous la bienveillance d'Itzamná.







Volcans

Premiers pas dans Ciudad Guatemala.
La pauvreté est palpable.
Les gens sont accueillants et chaleureux.
Les enfants adorent le foot à l'abri des volcans.


Le choc culturel

D'un bout à l'autre de la planète, tout est semblable. Les
mêmes exploiteurs, les mêmes exploités, les mêmes femmes
violentées, les mêmes enfants abandonnés. Pareillement le
Guatemala. On ne trouve pas de femmes ni d'hommes à la
silhouette Maya sur les panneaux publicitaires. Elles sont
toutes cliniquement blanches. Pourtant il bouillonne, derrière
cette hypocrisie, une telle diversité de cultures coloniale et Maya,
visible à travers l'histoire, les langues et les variations de la
géographie. Les terres du Petén abritent des temples Maya
qu'on ne finit plus de découvrir. Les réserves fauniques d'Alta
Verapaz protègent les derniers questzals qui osent gazouiller; à
El Quiché, les fumées chamaniques survolent encore les parvis
d'églises pendant que de jeunes filles habillées de leur huipil
animent les marchés du Sacatepéquez. C'est le Guatemala
inépuisable et magnifique, de Zacapa à San Marcos.












Du jour au lendemain

Les chantiers sont la matière première de la mission : transport
d'enfants et d'accompagnateurs à l'hôpital San Juan de Dios,
travaux à la dentisterie de Palencia, construction d'une école et
de classes à Brisas et Hogar Vitiello, classement des vêtements
et fringues au Baratillo, journées de réconfort pour les jeunes
convalescents de la Casa San Rafaël, menus travaux à la
boulangerie de la Capacitación, plantations à Rio Dulce. Et
s'ajoutent les tâches du quotidien, l'indispensable va-et-vient
aux cuisines, l'entretien des véhicules, le bien-être informatique,
le lavage, le repassage et le décompte des bières au frigo...

Le souper du soir tirant à sa fin, Pierre abaisse l'éclairage de la
salle à dîner pour se faire entendre. L'heure est au bilan et à la
prospective. De bonnes idées surgissent, l'annonce des départs
et des arrivées, un anniversaire! En finale, chacun marque d'un
jeton au tableau le chantier du lendemain. Les jeux sont faits,
il est temps d'aller dormir.










Savoir lire

Mingo. Il est passé un matin à la Capacitación. Les mains dans
les poches. Il nous regardait gratter le mur de la façade en
décomposition. Lui, Mingo, il voulait travailler aussi, prendre
une truelle et remplir de ciment les crevasses du mur. Puis il l'a
fait sous l'oeil attentif du chef de chantier. Et pour ce travail
Mingo voulut qu'on le paie. ¿Tú pagar mi? Une barre de chocolat
et cinq quetzales, de quoi rendre l'homme fier aux yeux de ses
frères et soeurs. À l'heure de la pause, Mingo savourait son
chocolat en feuilletant les pages de la Prensa Libre qui traînait
sur un banc. Puis Mingo a demandé : vous autres, vous savez
lire ? Timides hochement de têtes pour cette question fatale.
Mingo, dix ans, qui vit à deux pas de la casa, à un pas de la
Capacitación, ne savait ni lire, ni écrire. Et toute cette énergie,
la nôtre, à boucher des trous dans un mur avec du ciment...






Sur la route

El ruta. La route. Ses odeurs, sa turbulence, ses périls. Vécue
parfois comme un cauchemar, d'autres fois comme une poésie
sonore. Le délire des «chicken bus», les infranchissables
demi-tours de Roosevelt, les interminables lacets de
poussière d'El Quiché, le chahut frénétique du gravier dans la
nuit d'Izabal. Puis à force de rouler, c'est le clochard céleste
qui surgit dans le brouillard d'une route argentée. En rêve,
Jack Kerouac. Le Ti-Jean de Lowell. Il a fait San Francisco,
L.A., le Mexique, sur le pouce, sac au dos, bouddha sur les
lèvres. Mais personne ne l'a vu sur aucune route du Guatemala.
Jamais. Aujourd'hui ils y sont, nombreux pourtant, les anges
vagabonds qui sillonnent le pays. À Panajachel, sur l'Île de Flores,
à San Pedro, à la casa. Ils ont un regard de lumière et les poches
vides. Et ils savent où ils vont.